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ETUDE ETHNOMÉTHODOLOGIQUE DU LANCEMENT D'UN PORTE-MONNAIE ELECTRONIQUE
Cyrille Terrier
UFAESR
Université Paris VII
Sumário
Dado o papel central que o dinheiro desempenha na vida quotidiana, o autor parte da hipótese de que a modificação das formas de pagamento são susceptíveis de causar impacto sobre as relações entre as pessoas. Procurou-se, então, observar como este produto concebido recentemente era proposto aos agentes que os difundem, vendem, recebem e utilizam, assim como os factores que motivaram os seus sucessos e insucessos.
Abstract
Bearing in mind the importance of money in people's daylife, the author assumes the hypothesis that the forms of payment are likely to have an impact over the relations among people. The author attempts to study how a recently issued card has been presented to the people who spread and use it as well as the causes which have made it, or not, a successful means of payment.
Introduction
Nous assistons depuis quelques temps à un élargissement des champs éligibles de l'ethnologie qui investit des domaines autres que ceux qui étaient les siens traditionnellement, et en particulier le monde contemporain. Parallèlement, le monde industriel manifeste de l'intérêt pour une compréhension fine des usages faits de ses produits par les consommateurs. Ainsi, la presse française s'est récemment faite l'écho d'études, commandées par les géants de l'édition de logiciels, sur le comportement des français et
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des italiens dans leurs cuisines. Ces études visaient à envisager le placement d'écrans internet spécifiques dans les cuisines.
Dans le même ordre d'idée, nous avons étudié en 2000 un cas concret : l'introduction d'un porte-monnaie électronique dans une communauté urbaine.
Compte tenu du rôle central de l'argent dans la vie quotidienne, nous avons fait l'hypothèse que la modification des moyens de paiement était susceptible d'avoir un impact sur les relations entre personnes. Nous avons alors observé comment ce produit nouvellement conçu était proposé à des acteurs qui le diffusent, le vendent, le reçoivent et l'utilisent; puis ce qui en motivait les succès ou les échecs.
En définitive, nous avons suivi les étapes de lancement de ce système, l'attitude de ceux qui s'en approchaient, et observé les pratiques qui s'inventent dans le quotidien autour d'une nouvelle technologie.
PRÉSENTATION TECHNIQUE
Origine du projet
L'idée de créer un porte-monnaie électronique national en France remonte à une dizaine d'années. Les études de marché faites à l'époque et les tentatives manquées à l'étranger ont incité les banques françaises à surseoir au lancement. En 1998, le Ministère des Finances, qui voyait la France en retard sur ce point, a relancé le projet auprès des banques. Le Crédit Agricole et la Banque Nationale de Paris ont rouvert le dossier et organisé un test à Tours. Cette ville candidate au projet étant supposée représentative d'une moyenne nationale, l'expérience test pourrait, en cas de succès, être généralisée à tout le territoire national.
Les promoteurs du projet
Pratiquement, sept banques (Banque Nationale de Paris, Crédit Agricole, Crédit Mutuel, Crédit Lyonnais, Crédit Industriel de l'Ouest, Crédit Commercial de France, Banque Populaire) ont créé une société, la SEME, chargée de la création et du lancement de Moneo. Parmi les autres organismes impliqués dans cette opération, il y a le Ministère des Finances, la Banque de France, le Groupement des Cartes Bancaires, et à Tours la chambre de commerce, la chambre de métiers, la Mairie, des associations de commerçants, …
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Fonctionnement du porte-monnaie électronique
Le porte-monnaie électronique étudié ici est connu sous l'appellation de Moneo. Il se présente sous la forme d'une carte à puce [1], similaire à une carte bancaire. Mais là où la carte bancaire est utilisée pour des montants généralement supérieurs à 100 francs, Moneo peut régler des montants plus faibles et ne nécessite Das la saisie d'un code confidentiel.
Pour tout paiement, il devra avoir été pré-chargé; il contiendra un nombre de francs (ou d'euros: la conversion étant une simple division) qui seront soustraits à chaque transaction. Moneo est rechargeable à loisir sur des bornes spécifiques présentes dans des lieux publics et des banques, ou sur les terminaux de paiement des commerçants. L'argent chargé alors est prélevé sur le compte bancaire du client. Moneo est accepté dans les horodateurs, les distributeurs de boissons et confiseries, les commerces qui en ont l'usage (avec des paniers moyens inférieurs à 100 francs) [2], …
Les supports physiques de Moneo
Moneo peut exister sur trois types de supports:
1. Couplé à une carte bancaire (c'est à dire que les deux usages carte bancaire et porte-monnaie sont sur la même carte dans la même puce). Lorsque la somme débitée est inférieure à 100 francs, elle est prélevée sur Moneo et le client n'a pas à taper de code confidentiel, si elle est supérieure à 100 francs, la transaction a lieu comme avec une carte bancaire ordinaire avec saisie de code confidentiel et éventuellement débit différé.
2. Autonome et rattaché à un compte bancaire. Dans ce cas la carte qui ne contient que Moneo permet de payer jusqu'à 200 francs, il n'y a aucun code à saisir non plus. Toutefois un code confidentiel sera nécessaire pour recharger ce Moneo à partir du compte du client. Généralement, ce code confidentiel est identique à celui de la carte bancaire du client.
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3. Autonome, anonynie et non rattaché à un compte bancaire. Il est destiné aux étrangers à la ville de Tours et peut être rechargé à partir de n'importe quelle carte bancaire sur les bornes publiques de rechargement.
Dans tous les cas, il peut être chargé de 100 à 600 francs.
Un étui-calculette permettant de lire le solde, l'historique des 10 derniers mouvements, et de faire des conversions francs/euros est proposé avec Moneo.
Les coûts annuels de lancement ont été de 46 francs pour le support 1 et 70 francs pour les supports 2 et 3. L'étui est facturé 35 francs.
LE LANCEMENT
Phase du déploiement
Le lancement a eu lieu en deux étapes: d'abord auprès des commerçants en juillet 1999 par la mise à disposition de terminaux de paiements adaptés, ensuite auprès du public en octobre 1999 par la diffusion des cartes porte-monnaie Moneo.
Jusqu'en mai 2000 les banques ont offert la gratuité des frais aux porteurs et aux commerçants.
Ces caractéristiques étaient susceptibles d'évoluer en fonction des observations de la SEME et des banques. Par exemple, la période de gratuité pouvait être prolongée.
Le constat
Voici pour éclairer cette présentation, quelques éléments, avantages ou inconvénients (tels que le décrivent les promoteurs du projet) notables et typiques de ce système.
Moneo n'est pas réclamé par le public. Autrement dit, le porte-monnaie électronique ne répond à l'origine ni à une demande ni à un besoin du marché.
Il est payant.
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Son terrain cible de prédilection est l'horodateur.
Il promet un usage de paiement sur lnternet moins risqué qu'avec la carte bancaire.
Il doit évoluer vers une fonction billettique, comme carte de transport.
Il va permettre des opérations de fidélisation.
Son objectif immédiat n'est pas le remplacement du liquide.
Son panier moyen d'utilisation est d'environ 30F.
Couplé à la carte bancaire, cette unique carte peut régler tous les montants.
Autonome, séparé de la carte bancaire, il garde une logique de porte-monnaie.
Autonome anonyme, il n'est pas relié à un compte bancaire.
Le chargement nécessite le code confidentiel de la carte bancaire, mais la dépense est libre.
Il dispense d'un porte-monnaie pour les pièces.
Le perdre équivaut à perdre la somme contenue plus le prix de la carte.
Son usage ne prévoit pas de prêter simplement de l'argent, ni de donner la pièce à un mendiant par exemple. Il risque de limiter aussi l'usage des pourboires.
Il est proposé avec un étui lecteur qui donne un historique des dernières opérations et un convertisseur francs - euros.
Il permet de payer indifféremment en francs et en euros, en évitant de multiplier les monnaies sur soi.
Il dispense de chercher l'appoint notamment dans les distributeurs de boissons ou friandises et les parcmètres.
Il peut être rechargé sur un terminal de commerçant pendant le paiement (donc n'est jamais vraiment vide).
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LE TERRAIN D'OBSERVATION
Afin de disposer d'un point de vue des différents acteurs, nous avons défini les lieux dobservation de la façon suivante:
En résumé nous avions donc un champ d'observation réparti sur trois sites, supposés donner un aperçu sur l'ensemble de la chaîne des protagonistes du système, depuis le lancement de la carte jusqu'aux premiers pas de son utilisation.
LES PHÉNOMÈNES OBSERVÉS
Il s'agit donc d'observer les échanges entre personnes à l'occasion du facteur de déstabilisation que constitue l'apport d'un nouveau moyen de paiement.
Nos investigations nous ont permis de mettre en avant une ambivalence chez les personnes interrogées entre leurs propos et certains de leurs comportements.
Autour de la banque:
L'aspect le plus immédiatement remarquable est probablement cette distance entre un discours officiel des concepteurs qui se veut clair, précis, complet, et l'adaptation de cette nouvelle technologie qu'en font les protagonistes. Les entretiens nous ont permis notamment de reconstituer les
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caractéristiques de la formation qu'ont reçu les commerciaux de la banque. Ainsi en travaillant sur ces entretiens, nous avons pu discerner différents niveaux de discours:
Ainsi, un commercial de la banque pouvait nous tenir successivement et sans embarras olusieurs discours distincts:
Du côté du client aussi, il est possible à l'analyse des entretiens, de retrouver comme des couches sédimentaires: ce qui a lui été dit par le commercial, ce qu'il en a retiré, et comment il utilise vraiment Moneo.
L'exemple le plus surprenant est celui des personnes âgées. Nous en avons rencontré qui n'ont pas de carte de crédit et pour lesquelles, venir chercher de l'argent à la banque fait partie des sorties conviviales de la semaine. Dès lors, Moneo est perçu comme un produit technique, compliqué et automatique donc non convivial.
Pourtant au cours des entretiens, ces personnes âgées commencent par vanter le système à partir de l'argumentaire du commercial de la banque (souvent elles diront alors que c'est pratique, moderne, …), puis assez rapidement expliquent qu'elles l'ont pris pour faire plaisir à un employé de la
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banque qu'elles voient toutes les semaines et qui est "si sympathique"; et elles finissent pas avouer qu'elles ne comptent pas s'en servir parce que ça ne les intéresse pas.
Dans le registre des gens influents, nous avons aussi isolé une opposition entre "leaders d'opinion". La population étudiée comportait essentiellement deux types de "leaders d'opinions":
Dans le Bergerac:
Voici quelques exemples de ces conventions (parmi les personnes citées, Jean Pierre est le gérant du bar-tabac, Christophe son fils et Michèle la serveuse):
[...] Michèle pose la monnaie sur le comptoir, alors que Jean Pierre et Christophe la rendent parfois dans la main. Un de leurs collègues me dit que chez lui la règle est claire: les employés posent la monnaie, et lui seul se réserve le risque de la remettre dans la main des clients.
Christophe m'explique quant à lui qu'il rend comme le client lui donne. Et même parfois rend la monnaie dans la main, même si le client a posé son argent sur le ramasse pièces: «c'est un signe de communication avec la clientèle», conclut il.
En matière de communication, il y a au Bergerac des échanges où on affecte de ne pas se voir ni se parler, comme pour mieux se montrer qu'on s'est reconnus:
Je discutais un jour avec Jean Pierre un peu à l'écart de la caisse, lorsqu'une cliente posa bruyamment ses pièces sur le ramasse monnaie. Jean Pierre se retourna, prit un paquet de cigarettes, encaissa, puis l'air détaché revint vers moi et reprit sa phrase où il
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l'avait laissée. Pas un mot n'a été échangé avec la cliente jusqu'au «au revoir» «bonne journée» final, et le silence respecté semblait même souligner une complicité.
Ce type de comportement est assez fréquent au bar où on observe, après le salut d'usage (qui est aussi réglementé, et mériterait une description s'il ne sortait de notre propos: les personnes travaillant au Bergerac saluent de la tête, de la voix, se déplacent avec plus ou moins d'empressement pour serrer la main, tendre un avant bras si celle ci est mouillée, adresser un hochement de tête, etc. … suivant l'interlocuteur), l'instant de la commande:
Le montant exact peut être posé de façon sonore pour commander. Le serveur, connaissant les prix et son client, saura quoi faire sans davantage de précisions.
Pour un habitué, le dialogue peut aussi se résumer à un mouvement de menton vers l'avant de l'un des protagonistes, repris d'un «comme d'habitude» de l'autre. De façon curieuse, le mouvement de menton pouvant être lancé par n'importe laquelle des deux parties, l'autre répondra par «comme d'habitude», et le résultat sera le même dans les deux cas.
Naturellement, dés ce préliminaire effectué, les conversations pourront aller bon train. Ensuite, le paiement sera posé plus ou moins rapidement sur le comptoir, et le serveur mettra un «certain temps» à le ramasser. Il ramènera la monnaie dans une coupelle dans laquelle il sera de bon ton de laisser autre chose que des pièces jaunes.
Après quoi, si le règlement est effectué une seconde fois, le serveur comprendra que le client souhaite une consommation additionnelle identique.
La petite monnaie est à plus d'un titre objet d'une convivialité dont Jean Pierre sait tirer parti avec métier:
Client: Il manque 15 centimes, est ce que je pourrai les poser tout à l'heure, parce que …
Jean Pierre (avec fermeté puis bonhomie): Non! … pas avant demain.
Client (confus): Ouais parce que là faut qu'j'aille à l'hôpital, et On voit ainsi qu'au Bergerac les signes d'intelligence prennent une grande importance dans ce lieu rythmé par les habitudes. Ils sont
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même comme des indicateurs de complicité. Nous y voyons une cause potentielle de l'inquiétude devant la nouveauté: comment intégrer Moneo dans ce système codifié où la communication se nourrit des techniques de paiement en cours.
En étudiant les propos des "leaders d'opinions", il s'est dégagé un phénomène intéressant et amusant: les mêmes caractéristiques de Moneo servaient à le vanter ou le disqualifier.
Tel employé de banque annonce : "Les commerçants en ont ras le bol de rendre la monnaie, vous vous rendez pas compte: 18F95 sur 100F, et quand il y aura l'euro ça va être pire. Les commerçants disent assez!"
Et moins d'une heure plus tard le gérant du bar tabac déclare : "Moi j'aime bien les petites pièces! [...] Moneo c'est impossible à accepter sur 1000 clients par jour avec en plus le prélèvement et le téléphone".
Dans la même perspective, selon le personnel de la banque, Moneo devrait permettre de gagner du temps aux caisses, de disposer d'une liberté pour lier contact avec la clientèle, de mieux gérer les comptes, de permettre des achats d'impulsion, … Pour les gérants du bar tabac, Moneo fait perdre du temps en caisse, dépersonnalise l'échange avec les clients, ajoute une colonne et complique la comptabilité, l'absence de gros billets conduit le client à ne prendre que le strict nécessaire, …
Ainsi tour à tour, chaque caractéristique était évoquée, commentée et employée à justifier des positions contradictoires.
APPROCHE ETHNOMÉTHODOLOGIQUE DE L'ENTREPRISE
Nous arrivons ici à l'objet de cet article: comment des observations de type ethnométhodologique peuvent elles être valorisées dans le secteur économique ou industriel ?
L'observation fine permet de cerner les comportements et les usages dans différentes situations vécues, décrire la façon dont un projet fonctionne, et souligner les actions inutiles et les présupposés faux:
Ainsi notre enquête a révélé le risque, à travers la mise en place du système Moneo, d'une dégradation de la relation qui lie la banque à sa clientèle.
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En effet, les personnes âgées venaient à la banque pour retirer l'argent au guichet créant ainsi, entre elles et le personnel, des espaces de convivialité à laquelle elles semblent très attachées. Dés lors la baisse d'activité (et du nombre de postes) des commerciaux et des guichetiers, due entre autres à Moneo, pourrait correspondre à une crise d'un système de fidélisation de la clientèle.
Or nous voyons qu'une grande importance de la place des commerciaux tient à leur influence sur les clients: ils s'approprient l'information, la recodent, lui donnent à leur façon une dimension séductrice pour la clientèle. Ils construisent ainsi, chacun individuellement, une partie de la culture de l'entreprise et filtrent ce qu'ils jugent transmissible en fonction de leurs valeurs personnelles. Ainsi tous les commerciaux se sont équipés de Moneo, ce qui montre l'investissement personnel qui leur semble nécessaire pour leur métier: ils sont usagers de ce qu'ils vendent, car pour être sincères et convaincants ils doivent être connaisseurs. Et nous avons même vu à ce propos comment ils ont détourné le principe d'argumentation, en ne décrivant pas techniquement le produit, mais en parlant comme des utilisateurs.
D'un point de vue plus général, nous avons pu constater que les salariés de la banque répugnent à défendre un projet commercial qui pourrait remettre en cause la stabilité de l'univers de travail : "On y vient, à la banque à domicile […] on sait très bien que c'est à double tranchant, mais on peut pas y échapper".
Il y a ajustement, réinvention du projet et compromis permanent suivant les circonstances. Ce porte à faux montre un certain mal être du personnel, et sa prise en considération pourrait être utile à la gestion de l'entreprise.
Il serait peut être aussi opportun d'accompagner Moneo (comme nous l'avons fait dans le bar-tabac par exemple) afin de déterminer des méthodes d'intégration, visant à rendre le produit porteur de pratiques créatrices de contact entre les commerçants et leurs clients.
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CONCLUSION
Le regard que porte l'ethnométhodologue sur une réalité en train de se produire permet de rendre compte de la dynamique sociale. Elle met en évidence les écarts existant entre les intentions des promoteurs et les logiques d'usages culturels des différents acteurs. Elle permet d'identifier les raisons qui font obstacle à l'introduction de cet outil et les résistances culturelles observée dans différentes situations vécues. Elle permet aussi de préciser les conditions qui faciliteront l'appropriation de cet outil technique.
Toutefois, l'intérêt de la part des entreprises n'a pas été immédiat. En effet, comment justifier d'une dépense sur une discipline qui ne se présente pas sous une allure technique avec des histogrammes et des schémas, mais s'intéresse à la localité plutôt qu'à l'ensemble et conteste le bien fondé des inductions.
Cependant, il y aurait quelques points de croisement: à un certain niveau de décision, où la connaissance de limites implicites est utile; et dans les services en quête de nouveaux marchés, donc friands d'analyse de nouveaux comportements. Nous avons d'ailleurs évoqué ci-dessus des points de rencontre sur des données opérationnelles et sociales.
Si l'analyse globale peut être perçue comme une réalité univoque qui a fonction de convaincre, nous arrivons porteurs de la conscience d'une complexité que nous voulons approcher avec un minimum de complaisance; nous soulignons ce que par habitude on regarde sans voir, en insistant sur la description des phénomènes et la faculté d'invention des individus.
Nous avons constaté que les concepteurs du projet n'ont pas pris en compte la diversité des usages. Or l'invention est partout: dans le langage, dans les gestes, dans les pratiques, et peut générer un retour enrichissant pour des produits en cours de conception dans l'entreprise.
La posture de l'ethnométhodologue comporte ici un écueil: la tendance à des généralisations simplificatrices; alors que la cohérence posturale consiste à nous en tenir au plus à des éclairages spécifiques, et à laisser les intéressés opérer en connaissance de cause la réduction inhérente aux inductions.
Dés lors comment rendre exploitable (au sens industriel) un travail ethnométhodologique? Il n'est pas nécessaire d'en modifier les principes,
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mais d'insister sur la nécessité d'un travail en plusieurs temps: l'enquête de terrain, l'analyse ethnométhodologique orientée suivant la pratique, puis l'exploitation de l'étude menée avec les commanditaires qui verront ainsi les limites de leurs choix.
Bien entendu, une enquête de terrain comme celle que nous décrivons procure un matériau très riche, qui peut donner lieu à des analyses et à des points de vue très nombreux. Nous évoquons surtout ici l'apport d'une approche fine et à dimension humaine par rapport à une vision macroscopique, qui par construction ne peut pas dépasser ses présupposés. Nous sommes en position de fournir un retour sur l'agencement des nouveaux comportements, en observant les usages traditionnels et leur évolution. Et constater que les utilisateurs ont su inventer ce que les concepteurs avaient oublié.
Pour conclure, nous reprendrons l'expression de L. Pauwels et J. Bergier (1960) qui parlaient de "réalisme fantastique" pour évoquer le non remarqué, l'implicite, l'inconnu, l'extraordinaire que renferme la réalité. Non pas l'imaginaire mais ce que masquent les préjugés, le conformisme, les habitudes. Dans le même esprit, nous pourrions dire que nous nous intéressons de si près à la réalité que nous y discernons une partie de ce qui s'y cache.
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BIBLIOGRAPHIE
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(1990). Le matin des magiciens. Introduction au réalisme fantastique. Paris: Folio.
WATZLAWICK, PAUL
(1978). La réalité de la réalité.Paris: Seuil
[1] La puce est un micro circuit collé sur la carte permettant d'en augmenter la sécurité et la capacité mémoire.
[2] Les organisateurs constatent que Moneo est utilisé pour des achats de 30 francs en moyenne.
[3] Rapport du chiffre d'affaire par le nombre de transactions.
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